Théophraste Renaudot (1586-1653)

Théophraste Renaudot est né à Loudun en 1586 dans une famille protestante, d’un père originaire du Maine, récemment installé dans la ville comme précepteur de la jeunesse, et d’une mère loudunaise. Cette ascendance maternelle facilite une intégration rapide dans la bourgeoisie locale. A 16 ans, il part étudier la chirurgie à Paris, probablement au Collège Saint-Côme qui accueille sans difficulté les enfants protestants. Il y passe deux années pendant lesquelles il contracte les écrouelles, une maladie de peau d’origine tuberculeuse qui le défigure.

Le médecin philanthrope

On suppose qu’il poursuit son parcours universitaire à la faculté de médecine de Poitiers : dans son discours de 1619, il rappelle que l’on doit son médicament préféré, le Polychreston, « à l’industrie soigneuse & docte expérience des Médecins de Poitiers ». En novembre 1605, il rejoint la faculté de Montpellier. C’est un élève brillant : il obtient son doctorat en à peine 8 mois. Son jeune âge étant à ses yeux un handicap pour exercer la médecine, il décide de voyager « dedans et dehors le royaume » pour acquérir de l’expérience. En 1608, on retrouve sa trace à Loudun où il se marie. C’est à cette époque qu’il a pu croiser François Leclerc du Tremblay, plus connu sous le nom du Père Joseph, éminence grise du futur Cardinal de Richelieu.

Par l’intermédiaire du religieux, il est vraisemblablement présenté à Richelieu qui le fera bénéficier de sa protection.

S’il y a bien une qualité qui caractérise le personnage, c’est sa philanthropie. Le 14 octobre 1612, il reçoit de Louis XIII le titre de médecin ordinaire du Roi, qui lui permet d’exercer sur toute l’étendue du royaume, et la charge de « s’employer au règlement général des pauvres du royaume ». Le 3 février 1618, il devient Commissaire Général des pauvres, et en 1626, après s’être installé à Paris, il présente au roi son Traité des Pauvres.

Sa conversion au catholicisme, en octobre 1628, va désormais faciliter sa carrière.

Les activités du bureau d’adresses

Après son installation dans l’Ile de la Cité, en 1629, il ouvre un premier bureau d’adresses et de rencontres. L’objectif est de permettre aux gens qui cherchent du travail de consulter des annonces d’emploi et de rencontrer plus facilement ceux qui les proposent.

Le 30 mai 1631 paraît un petit folio de 4 pages in-4 intitulé Gazette.

La composition est compacte, avec des marges étroites sur lesquelles figurent en italique les dates et les lieux des évènements. Elle offre au lecteur des nouvelles provenant de l’étranger. C’est seulement à partir du numéro 6 que l’on découvre des informations relatives à la France. On considère que la presse périodique française est née avec cette Gazette, dont le rythme de parution est hebdomadaire. Renaudot y met sa plume au service du pouvoir. Il jouit de la protection royale et le 11 octobre 1631, il obtient confirmation du privilège de la Gazette.

Diversifiant les activités de son bureau d’adresses, Théophraste Renaudot organise, à partir de 1633 et jusqu’en 1641, des conférences répondant au goût et à la curiosité des personnes cultivées de la première moitié du XVII siècle du mouvement perpétuel, de la Pierre Philosophale, de la Curiosité, etc.

En 1637, Renaudot présente sa quatrième innocente « invention » : les ventes à grâce de rachat et pures et simples. Il ne fait cependant que franciser un dispositif italien : le monte di pietà, existant depuis le XVe siècle.

En 1640, il met en place les consultations charitables pour les pauvres malades, gratuites pour les plus miséreux mais payantes pour les autres. Ces consultations ouvertes initialement le mardi dans l’une des salles du bureau d’adresses, connaissent vite le succès : elles deviennent quotidiennes et Renaudot s’associe à d’autres médecins, formés comme lui, en province et notamment à Montpellier. Cette nouvelle invention  déclenche contre lui les foudres de la faculté de médecine de Paris dont les statuts interdisent l’exercice de la médecine à tous ceux qui n’ont pas obtenu leurs diplômes dans la capitale. Le mécontentement qui grondait depuis plusieurs semaines explose lorsque Renaudot obtient l’autorisation de tenir chez lui des fourneaux pour y faire des essais cliniques. Mais il bénéficie de hautes protections : le 30 octobre 1640 la faculté de médecine se voit interdire la tenue de poursuites à son encontre.

La chute

Avec le décès de Richelieu le 4 décembre 1642 et de Louis XIII le 14 mai 1643, il perd coup sur coup ses deux protecteurs : la chute n’en sera que plus rapide. L’année suivante, Renaudot et les médecins de Montpellier ont interdiction d’exercer à Paris. Il perd également l’autorisation pour les conférences organisées au bureau d’adresses. Il essaye cependant par diverses entreprises d’ouvrir dans son hôtel des consultations charitables, mais toutes se solderont par un échec.

S’il y a cependant un privilège qu’il conserve, c’est celui de son journal, si utile au pouvoir, dont il obtient confirmation en mars 1644. Il aura encore quelques satisfactions : le 6 mai 1646, il est nommé historiographe du roi qui l’anoblit ainsi que « ses enfants et sa postérité » ; il est alors logé dans la Grande Galerie du Louvre à partir du 15 mars 1648. Il y vivra jusqu’à son décès, le 25 octobre 1653.

Bien que parfois incomprises en son temps, les inventions de cet homme d’exception que fut Théophraste Renaudot ont largement impacté la vie quotidienne du royaume. Hebdomadaire puis quotidienne, la Gazette, qui reste dans la famille Renaudot jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, sera tirée jusqu’en 1915, les monts-de-piété perdurent, transformés en caisses du Crédit Municipal par décret en 1918 ; enfin, le bureau d’adresses peut aujourd’hui être considéré comme la première ébauche de Pôle Emploi.